Dr. Déborah Brosteaux | Forscherin Fellow

Critical Thinking in the Plural. Conceptual Approaches in Research in the Social Sciences
Centre Marc Bloch, Friedrichstraße 191, D-10117 Berlin
Email: deborah.brosteaux  ( at )  ulb.be Tel: +49(0) 30 / 20 93 70700

Home Institution : Université Libre de Bruxelles | Disciplines : Philosophy |

Biography

Déborah Brosteaux est chercheuse en philosophie, collaboratrice scientifique à l’Université Libre de Bruxelles, Research Follow au Centre Marc Bloch, et membre du CREG (Centre de Recherche sur l’Expérience de Guerre) de l’ULB-MSH. Elle enseigne également dans différentes universités (ULB, Sciences Po Lille, Institut Catholique de Paris, Paris Lumières).

Elle a réalisé une thèse de doctorat en philosophie (soutenue en janvier 2023), en co-tutelle entre l’Université Libre de Bruxelles et la Bergische Universität Wuppertal, intitulée Les expériences appauvries. Perspectives sur une modernité en guerre. Ses recherches actuelles portent sur la place du désir en politique, à partir de traditions de pensées – en particulier allemandes et françaises – qui ont développé des ontologies politiques du désir dans le contexte des crises et des mouvements d’émancipation du XXe siècle.

Title of thesis
Les expériences appauvries. Perspectives sur une modernité en guerre
Summary of thesis

Face aux guerres dans lesquelles nos pays d’Europe sont impliqués, nos affects oscillent en permanence entre l’anesthésie et la frénésie. Certaines situations guerrières donnent lieu à un échauffement affectif, un « regain » d’énergies psychiques et sociales ; tandis que d’autres sont à peine nommées, sont reléguées au loin. La thèse fait de ces rapports bifides le point de départ d’une enquête philosophique sur les affects guerriers de la modernité.

Au cours de cette enquête, la thèse adopte une démarche à la croisée de deux héritages. D’une part, elle s’inscrit dans l’héritage de l’École de Francfort, qui approche l’expérience mondaine en tant qu’elle est rapport à l’histoire. Elle en passe ce faisant par des œuvres littéraires, des chroniques et des images, traitées comme des fragments sensibles qui rendent visibles les obsessions d’une époque. D’autre part, la thèse hérite du geste deleuzien qui politise la question du désir : elle sonde les affects qui attachent les modernes à la guerre en dépliant les agencements géo-historiques auxquels ils se branchent, et approche les textes eux-mêmes en tant qu’agencements désirants.

En effectuant plusieurs plongées dans le XXe siècle européen, la thèse construit une série de tableaux qui s’articulent chacun autour d’un affect insistant des modernes en guerre. Le premier tableau prend pour cadre les guerres menées par les pays d’Europe loin de leurs frontières, en tant qu’elles forment la part d’ombre du rêve de paix européenne d’après-guerre. Il décrypte les procédés qui permettent d’exercer la violence tout en la mettant à distance, et analyse les rapports actifs à la guerre qui habitent dès lors cette distance. Le deuxième tableau prend comme point focal l’élan de reconstruction d’après 1945, qui produit un espace et un temps dirigés vers l’avenir, tournant le dos aux ruines. Sur les pas de W.G. Sebald, il fait de l’effacement des ruines le point de départ d’une histoire matérielle et psychique de la destruction. Le troisième tableau se penche sur le motif de l’intensification de l’expérience vécue qui traverse les guerres modernes. En dialogue avec les thèses de Walter Benjamin, il s’arrête sur la Première Guerre mondiale comme l’événement où culminent une série de crises qui touchent à l’expérience de la modernité. Le quatrième tableau prolonge ces réflexions à travers le personnage d’Ernst Jünger. Il suit la manière dont des gestes modernes bien plus vastes mutent, à travers la machine inventive des passions jüngerienne, en désirs fascistes. Un devenir qui en passe chez Jünger par une fabrique des expériences qui se nourrit activement des maladies de la modernité et de leurs destructions : toute une production désirante qui se galvanise des ruines et se nourrit activement des mondes appauvris.

À travers ces différents tableaux, la thèse explore des agencements d’affects et de désirs qui, dans leurs contradictions et leurs ambivalences, tiennent ensemble, et dont le nouage participe des rythmes de la modernité. À la suite de Klaus Theweleit, elle propose une lecture des désirs guerriers qui résiste à y voir de simples mystifications qu’il s’agirait de déconstruire. En prenant au sérieux leurs attraits et en s’y frayant un accès sensible, elle cherche à saisir la manière dont ces désirs fonctionnent et les devenirs dans lesquels ils peuvent être entraînés.

Towards a political ontology of desire in the 21st century: affective networks, transformation of desire and the crisis of critique

Whether at the head of governments with statesmen such as Trump, Bolsonaro, Wilders or Milei, in televised media circulations or in the bubbling activity of social networks, current political crises bear witness to an energisation and affirmation of desire. The project states that our thinking is ill-equipped to deal with this affirmation. It puts forward the hypothesis that this lack of tools is due to our difficulty to grasp the political place of desire and affect in all its positivity. Rather than positioning the critical enterprise from a place that claims to be at a distance from affect, the project proposes to think the mutations, resistances and multiple becomings of politics in a way that is immanent to affect and desire and the rationalities that are at work there.

            Thus, the project is one of  political ontology of desire and affect. To this ends, it proposes to draw on theoretical frameworks which have brought about an “affective turn”, on both sides of the North Atlantic, within the spheres of human sciences. More specifically, it will aim to reconstruct the history of a specific tradition of thought that developed such a political ontology of desire and affect, through several historical sequences: during the inter-war period, faced by the experience of fascism; at the time of the '68 turning point; and finally, in the face of capitalism’s mutations during the 1980s.

            The project will show the importance of this tradition for the twenty-first century, in order to philosophically address the question : how is desire produced and transformed? How can we think about desire’s historicity, and how does it relate to media and social realities? What is the place of agentivity and freedom in desire? How is desire transformed, and what activates this transformation?

Publications

Publications principales

Monographie

  • D. Brosteaux, Les affects guerriers de la modernité, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », à paraître.

Direction d’ouvrages

  • D. Brosteaux, T. Berns (dir.) et al., Traces de guerre, Dijon, Les presses du réel, coll. « Perceptions », 2023.

Articles académiques

  • « Perdre l’expérience de guerre : une nostalgie très moderne », in Reprises et ressacs. Mais où sont les guerres d’antan ?, Astérion, N. Grangé (dir), à paraître en 2024.
  • « L’art de mettre à part : autour d’un affect guerrier », in Towards a new “aesthetics of war”? Is Polemos still father of all things?, Aisthesis, 2024, [en ligne] https://oajournals.fupress.net/index.php/aisthesis/article/view/15141.
  • « L’effacement des décombres, ou l’oubli des villes bombardées », in Traces de guerre, D. Brosteaux et T. Berns (Ed.), Dijon, Les presses du réel, 2023.
  • « Intériorité profonde, immédiateté de la transparence et pauvreté de l’expérience : trois prismes sur la guerre moderne », in Politiques du secret, M. Goupy (Ed.), Rue Descartes n° 98, 2020, [en ligne] https://www.ruedescartes.org/article/?article=RDES_098_0042.
  • Traduction anglaise : « Profound Interiority, Immediacy of Transparency and Poverty of Experience : Three Prisms on Modern War », Journal of the CIPH, Collège International de Philosophie, n° 98, 2020.
  • « Hedendaagse Oorlogen en film. De oorlogservaring en het uitwissen van de vijand », in Tijdschrift voor Filosofie n°79, 2017, p. 717-745.
  • « La cruauté comme manifestation de la violence : Médée ou la rébellion du moyen », in Les Temps Modernes, n°696, 2017, [en ligne].

Coordination et édition d’ouvrages en tant qu’éditrice

  • B. Massumi, Agitations. Capitalisme et plus-value de vie, traduction de T. Drumm et préface d’I. Stengers, Bruxelles, Météores, 2024.
  • K. Theweleit, La possibilité d’une vie non-fasciste. Chroniques d’une Allemagne hantée, introduit par D. Brosteaux et C. Lucchese, traduction de C. Lucchese, Bruxelles, Météores, à paraître en novembre 2024.
  • B. Latour, D. Debaise et A. Mortiaux, Pourquoi la critique est-elle à court de carburant ?, introduit par D. Brosteaux et R.S. Sanli, Bruxelles, Météores, à paraître en février 2025.

Traductions (de l’allemand vers le français) :

  • K. Solhdju et K. Harrasser(dir.) et al., NEXUS-BERLIN 1990-2000, Faire théorie dans la capitale retrouvée, anthologie commentée de textes clés de la Kulturwissenschaft, traduction de D. Brosteaux, à paraître en 2025.
  • Max Scheler, « Sur l’idée de l’homme », traduction de D. Brosteaux, G. Fagniez et A. Longneaux, préfacé par Olivier Agard, in Philosophie Nr. 153, 2022.
  • Odo Marquard, « Éloge du polythéisme : monomythie et polymythie », traduction de D. Brosteaux, G. Fagniez et A. Longneaux, Archives de philosophie n°80/30, 2017, p. 505-526.

Articles de revues et de presse

  • « “Plus jamais ça”. Autour des actualités d’un cri” », Permanences critiques, octobre 2023 [papier et en ligne].
  • « Les pentes glissantes de la guerre », Agir par la Culture, janvier 2023 [papier et en ligne].
  • « Des espaces en paix activement reliés aux espaces en guerre », Prisme n°5, hiver 2023 [en ligne].
  • « Résister à la rhétorique guerrière au temps du coronavirus », co-écrit avec J. Lafosse, Le Soir, mars 2020 [en ligne].